La Claire Vallée

31-37, Allée des Chevreuils
B-5600 Philippeville
Belgique
Tél. +32-(0)475/66.07.00

« … Aussi le poustinik choisissait-il en général un lieu retiré
dans une clairière au milieu des bois.

L’ermite recherchait vraiment les lieux retirés – montagnes, forêts, bois -, les lieux où il serait vraiment seul avec Dieu. Ainsi son horizon humain était-il un peu limité, pour que son horizon spirituel puisse grandir sans distraction.

Il pourvoyait à sa nourriture. En général, il avait un jardin potager, il pêchait au cours d’eau ou à la rivière, faisait provision de bois pour son poêle, pour avoir chaud l’hiver et s’efforçait de gagner sa vie. »

DE HUECK DOHERTY (C), Poustinia, Cerf, p. 40

Village

A quatre kilomètres du premier village…
Un chemin s’enfonce dans les bois; pour horizon, des arbres qui laissent chanter la mélodie du silence et du vent…

Le pèlerin descend la vallée et aperçoit un premier ermitage qui accueille le poustinik de passage. En s’aventurant plus loin, il entrevoit la lumière d’une clairière…

Au fond de cette vallée, surplombant celle-ci, une statue de Marie en prière attire irrésistiblement son regard. Elle est là qui l’invite à écouter, à pénétrer ce silence d’une nature qui révèle par sa beauté le Créateur de toutes choses…

Une seconde poustinia entourée d’un potager et d’un abri à bois est séparée de la statue par un ruisseau qui se jette un peu plus loin dans un étang riche en poissons. C’est à cet endroit que le poustinik de la Claire Vallée fait son pèlerinage au coeur de Dieu ayant pour seul bagage les cris d’espérance, de souffrance et de joie de tous les hommes, ses frères.

Sa vie, c’est la recherche de l’ Un. Cette unité entre l’homme et son Dieu, entre les hommes et leur Dieu. C’est l’unité des hommes entre eux… la consommation dans l’ Unité. (1)

Toute sa spiritualité n’est qu’un moyen passager, un tremplin qui doit le conduire au coeur de l’ Un de la Sainte Trinité. Là, il n’ y a plus que la Gloire de Dieu…

(1) cfr Jn 17,21-23

Une vie d’adoration

La vocation première du poustinik est d’être amoureux…
Cet amour s’exprime par l’adoration, la louange, la danse… C’est l’offrande sans cesse renouvelée des larmes de joie et de souffrance qui coulent de son visage et de celui de ses frères.

L’adoration n’est véritable que si elle respire l’universel. Dans sa chapelle, non loin du Saint Sacrement auquel il communie, une carte du monde rappelle que le coeur de l’homme est invité à battre au rythme du coeur de Dieu…

Le poustinik est un éternel pèlerin, chantre de la joie silencieuse de son Dieu. En communion avec l’Eglise universelle, il chante les psaumes que Jésus priait déjà en famille.

A certains moments de la journée, il égrène son chapelet, se promenant le long de l’étang. Il sait qu’il peut s’adresser à Marie: cette Mère connaît mieux que quiconque quels sont les désirs de l’Esprit…

Toute la journée, le coeur du poustinik est un cri vers son Dieu: le cri d’une pauvreté qui ne demande qu’à rester pauvre, le cri d’une faiblesse qui n’aspire qu’à rester faible. Il est persuadé que seules des mains vides sont capables de recevoir et de donner. Le poustinik supplie son Dieu de lui accorder cette pauvreté absolue qui seule peut accueillir l’Eternelle Richesse. Le poustinik prie son Dieu de le rendre mendiant… Il ne connaît pas cette perfection figée dont parlent les hommes et il n’en veut pas.

Il demande à Dieu d’ôter son péché et celui de ses frères. Il Le supplie de lui accorder de toujours accepter avec joie ses faiblesses pour qu’elles deviennent le trône de Sa Miséricorde. Ainsi son Seigneur peut être magnifié et glorifié par les oeuvres du poustinik que ni les hommes ni lui-même ne peuvent comprendre, parce qu’elles ont leur source en Dieu…

Une vie de travail

« Pour n’être à charge de personne » (1), le poustinik bûcheronne pour la communauté ou pour lui-même afin de se chauffer l’hiver. Un petit potager lui procure l’alimentation de base. Une ferme située non loin de la « Claire Vallée » offre au poustinik les laitages qui complètent sa nourriture.

Le temps de délassement se vit parfois au bord de l’étang où le poustinik se réjouit d’attraper avec sa petite canne à pêche quelques poissons qu’il fera rôtir au feu de bois.

Une fois par an, c’est la révision et l’entretien complet des ermitages : moment de grâce qui rappelle au poustinik que sa véritable poustinia est celle du coeur et que là, ni la nature, ni l’humidité, ni les animaux de tous genres n’auront le dernier mot…

(1)cfr 1 Th 2, 9

Une vie d’étude

La principale nourriture spirituelle du poustinik de la « Claire Vallée » est la Bible. Il passe ses journées comme les ruminants : il mange la Parole, la rumine dans la méditation, la laisse reposer dans l’adoration pour produire le lait spirituel qu’il offre aux communautés qui lui demandent de rendre compte de son espérance.

La Bible devrait être le seul livre du poustinik. Mais celui-ci aime connaître comment ses frères à travers le monde perçoivent la Parole. C’est alors le temps de l’étude. Avec l’intelligence du coeur, il peut contempler les chemins que le Seigneur fraye jusqu’à lui…

Le prolongement de l’étude est la recherche spirituelle: découverte de Dieu, des chemins qui nous y conduisent, des moyens de communiquer le fruit de ses recherches aux hommes de ce temps. A ce niveau, il faut demander à Dieu le don de la créativité, d’une charité inventive qui n’aurait pour limite que la créativité du coeur de Dieu.

Le thème de recherche préféré du poustinik est la prière sacerdotale du Christ (Jn.17). Il rêve avec audace de mieux faire connaître la poustinia du coeur comme moyen privilégié pour rencontrer son Seigneur et recevoir cette consommation dans l’Unité, aboutissement de toute vie chrétienne. Il rêve d’un échange entre les Compagnons de la poustinia de l’Occident et de l’Orient chrétiens qui leur donnerait de vivre davantage cette « Sobornost  »(1) tant désirée par Jésus et dont les fruits sont Amour, Charité attentive et inventive, Paix dont notre monde a tant besoin…

(1) Unité spirituelle – Consommation dans l’ Un.

A l’écoute

Le poustinik est disponible et accueille, mais sans jamais inviter, sauf dans quelques rares situations. Cet aspect de sa vie lui donne de partager l’inattendu d’un Dieu qui se révèle parfois à travers des visages surprenants…

Ainsi ce jour de pluie où, sortant de sa poustinia, il entrevoit un cheval accroché à une branche juste à côté de l’autre ermitage. Qu’elle ne fut pas sa surprise de voir un cavalier gentiment installé dans celui-ci, entouré d’un halo de fumée noire. Il cherchait un abri pour passer la nuit : la porte étant ouverte, il s’était empressé d’ y faire son gîte. Le poustinik propose toujours à manger à l’hôte de passage, que ce soit un homme ou un cheval… Ce « poustinik  » d’un jour s’en est allé le lendemain pour continuer son voyage vers la France. Un fraternel « au revoir  » clôturait cette rencontre insolite.

Quelques jours plus tard, les gendarmes signalaient au poustinik qu’un cambriolage avec effraction avait eu lieu dans la région. Les boîtes de conserve de marque allemande mangées dans l’ermitage par le « poustinik  » inattendu étaient volées…

Toutes les rencontres que fait le poustinik n’ont pas toujours ce cachet d’humour du Seigneur !

Sa joie est grande, quand des prophètes de notre temps comme Soeur Emmanuelle, Guy Gilbert… viennent joindre leur prière à la sienne pour en faire grandir, par leur témoignage, le souffle universel.

Il n’est pas rare de voir un prêtre prendre quelques heures de poustinia pour préparer son sermon du dimanche.

Il y a aussi le « Frère » Jean, sa mine souriante, le regard bleu couleur de ciel. Il vient rafraîchir la poustinia de son coeur au contact de la rosée matinale des bois. Il dépose une rose dans les mains de la statue de Marie ou s’empresse de retirer quelques mauvaises herbes du jardin potager.

La joie du poustinik est grande devant tous ces visages du Ressuscité présent dans la poustinia de leur coeur…

Prophétise

(Ez 37,4)

L’annonce de la Bonne Nouvelle est paradoxalement crucifiante… Catherine de Hueck Doherty ne manque pas de signaler qu’elle fait partie intégrante de cette kénose dans laquelle tout poustinik doit entrer. Disponible pour l’accueil, il l’est aussi pour l’apostolat et accepte de se rendre « dans tous les lieux où sa présence est souhaitée » (1) pour rendre témoignage de l’amour que Dieu lui porte. Aventure passionnante où la pauvreté et le silence sont parfois plus éloquents que la parole; aventure crucifiante où se rencontrent le doute, l’incompréhension, la persécution. Moment où le poustinik se fait évangéliser…

Aprés son passage dans une trentaine de familles au milieu des bidonvilles du Caire, il ne peut oublier cette invitation où après avoir mangé du poulet, les enfants ont grignoté avec joie les os que lui-même avait déjà nettoyés…

Donne-nous Seigneur de ne pas gaspiller ta grâce…
Apprends-nous à la rechercher
non pas dans le bruit de notre monde,
mais dans la poustinia de nos coeurs où tu nous attends.

(1) Statuts canoniques de la Fraternité de la Claire Vallée B,5

Une spiritualité

Une face cachée de la Miséricorde: la spiritualité de la plaine par Marie avec Joseph.