Les ermites

« Y en a-t-il encore, des ermites? »
« Est-ce que ce genre de vie, si peu social, est approuvé par l’Eglise? »

Ces deux questions pertinentes posées par un lecteur du journal « Dimanche » sont le reflet de la pensée de nombre de nos contemporains.

Voici la réponse que donna ce journal

« Il y a toujours eu des ermites chrétiens au moins depuis l’an 250 environ. Les premiers que l’on connaît ont vécu dans des régions désertiques de l’Egypte, comme saint Paul de Thèbes, saint Antoine l’Ermite. »

« Ils n’ont jamais été très nombreux, mais on constate que leur nombre augmente à chaque époque de renouveau évangélique, comme celle que nous vivons actuellement. »

« On estime qu’il y a maintenant environ 300 ermites en France et une vingtaine en Belgique. »

« Alors que le Code de l’Eglise de 1917 ne parlait pas de ce genre de vie, on trouve ceci dans celui de 1983 (art. 603) :

§ 1. L’Eglise reconnaît la vie érémitique, par laquelle des chrétiens vouent leur vie à la louange de Dieu et au salut du monde dans un retrait plus strict du monde, dans le silence de la solitude, dans la prière assidue et la pénitence».

§ 2. L’ermite est reconnu parle droit comme dédié à Dieu dans une vie consacrée s’il fait profession des trois conseils évangéliques, scellés par un vœu ou par un autre lien sacré, entre les mains de l’Évêque diocésain et s’il observe, sous la conduite de celui-ci, son genre de vie propre :

« Certains ordres religieux groupent des ermites qui, sauf pour quelques exercices communs, vivent chacun dans un des ermitages situés dans l’enceinte du monastère. Ainsi certains monastères de l’Ordre des Camaldules, fondé par saint Romuald, vers 1015. Et surtout les Chartreux, fondé par saint Bruno en 1084, ordre « qui n’a jamais dû être réformé, parce qu’il n’a jamais été déformé. »

« Certains Ordres de vie commune permettent à tel ou tel de leurs religieux ou religieuses de vivre en ermite pour un temps plus ou moins long, dans un ermitage généralement situé non loin du monastère. »

« Récemment, quelques maisons religieuses ont aménagé des petits châlets où des fidèles peuvent faire une retraite en ermites. »

« La vie érémitique est une vocation si particulière, requérant une si grande solidité intérieure, qu’elle ne peut être le fait que d’un petit nombre. Mais, dans la mesure où ils deviennent des saints en suivant généreusement leur vocation, ils servent leurs frères, car « toute âme qui s’élève, élève aussi le monde. »

« Il est d’ailleurs frappant de constater combien les gens tiennent à bénéficier de leur prière et de leurs conseils. La Suisse a pour patron un ermite bon conseiller, saint Nicolas de Flue. »

« Plusieurs ermites ont été à l’origine de communautés religieuses. Historiquement, dans l’Église, c’est eux qui ont suscité la vie monastique. »

Dans l’Eglise

L’Eglise du Christ a connu dès son origine une riche diversité de vocations ayant pour but la recherche de Dieu dans la solitude.


Les formes
 prises par cette recherche sont fort diverses. De l’anachorèse (solitude absolue) à la vie cénobitique (solitude vécue en communauté) nous rencontrons :
les reclus, les stylites, les stationnaires, les ermites pèlerins, les moines pasteurs ou paissants, les ermites prêcheurs, les poustinikki, les staretzi, les startzi ou stapouha, ceux qui choisissent la xénitéia (la vie d’étranger) ou la jurodivia (la vie de fol en Christ)…
Parmi ceux-ci, certains vivent un érémitisme ouvert (disponibilité), d’autres un érémitisme fermé.

Le lieu où réside l’ermite porte également des noms parfois fort différents mais qui désignent la même réalité avec quelques nuances :
l’ermitage, la laure, l’anapat, la poustinia ou poustygne, la thébaide, la skite, la kalyve, la kellia, la kathismata…

La solitude peut se vivre à différents degrés :

* le premier degré est appelé « fuite des hommes » au sens matériel. Cette solitude consiste à ne rencontrer personne dans l’espace que l’on a coutume de parcourir.

* le deuxième degré est la solitude du silence qui se vit aussi longtemps que l’on n’entre pas en conversation verbale avec une personne.

* enfin, la solitude la plus profonde est appelée hésychia. C’est l’érémitisme ou anachorèse intérieure, la solitude du coeur et de l’esprit.
C’est aussi la poustinia du coeur.

Solitude

La Poustinia du coeur s’enracine dans la solitude sacerdotale du Christ. Cette solitude n’est pas isolement, car elle possède une référence : le Père dans l’intimité de l’Esprit Saint.

« Vous me laisserez seul… » nous dit Jésus avant sa Passion. Puis se reprenant, Il dit  : « Mais, je ne suis pas seul, le Père est avec moi » (Jn 16,32). Cette solitude est une théophanie trinitaire. Il n’ y a d’union au sein de la Trinité que parce qu’il y a ce face à face de trois solitudes absolues.
Jésus, en nous manifestant sa solitude, nous fait entrer dans ce mystère où Il devient davantage ce qu’Il était de toute éternité. C’est l’heure de sa maturité. C’est l’heure où, par sa solitude, son union avec le Père se manifeste avec plus d’intensité aux regards des hommes de son temps.

Par cette attitude, Jésus rejette tout compromis avec l’anéantissement que provoquent l’isolement par perte de toute référence et la fusion par perte d’identité. C’est dans ce combat accompli en Christ que l’homme peut entrevoir la réalité d’un Dieu en trois personnes.

Le Père, parce qu’Il est source, ne peut parler à son Fils – et aux hommes dans le Fils – que par le silence, chant sans mélodie ni parole de l’Esprit Saint.

La Poustinia, c’est le silence de l’homme qui laisse chanter le silence de la Trinité. Elle offre à l’homme de s’unir à son Dieu dans ce face à face de deux solitudes.